Manuscrit autographe, signé «J. B. dA», Introduction [à Goethe et Diderot, 1880]; 5 pages et demie in-fol. montées sur onglets (qqs répar.), reliure souple maroquin rouge, titre doré sur le plat sup., étui (Alix). Beau manuscrit de la Préface pour Goethe et Diderot.{CR}Cest en 1880 que Barbey fit publier chez Lemerre les articles, parus dans Le Constitutionnel de 1873 à 1877, quil avait consacrés à Goethe et à Diderot. Barbey explique tout dabord la nécessité quil y avait à faire cette réunion; Goethe et Diderot étant «des esprits de nature identique», il établit une filiation directe entre eux avant de présenter plus particulièrement la personnalité de Goethe «qui remplit jusquaux bords le XIXe siècle & bouche tous les horizons de la pensée moderne de son insupportable ubiquité. Insupportable ! Si elle lest en effet, cette ubiquité nest plus divine»... Barbey se défend de tout ressentiment français et rappelle le rôle joué par la France dans le développement de la philosophie et de la littérature allemandes tout au long du XIXe siècle: «Oui, la France, la séductible France qui séprend de toute chose & de toute personne étrangère, a européanisé la gloire de Goethe. Sans elle, il serait encore dans le fossé de lAllemagne». Il rappelle lintérêt manifesté par Napoléon lui-même, cet esprit «suraigu et à la netteté transcendante», et se demande si Voltaire, «le seul homme du XVIIIe siècle chez qui limbécile philosophie navait pas enniaisé lesprit resté français, Voltaire qui méprisait Diderot», naurait pas également respecté Goethe. Après le succès de Werther, Goethe a «patiné pendant quatre vingts ans sur cette glace fragile de ladmiration des hommes, qui, pour lui, ne sest jamais rompue et sans accident et sans arrêt, il a glissé et est entré dun seul trait continu, dans sa tranquille immortalité ! [...] Goethe ne connut ni les revers ni les dangers. Assurément, il travailla trop pour quon puisse lappeler le Lazzarone de la célébrité, mais lopinion dont il fut imperturbablement lenfant gâté, mit ses rayons sur lui [...] et ne lui retira jamais. Au lieu décrire Faust, ce travail de Pénélope de toute sa vie, il aurait ciré des bottes que lopinion charmée aurait proclamé quil les cirait avec génie et se serait même mirée avec amour dans son cirage»... Selon Barbey, ce phénomène ne sexplique ni par la décadence littéraire de la France, ni par le besoin de nouveauté enfantine, et pourtant philosophes et écrivains ont suivi les traces de Hegel et du Romantisme et se sont fait allemands. Goethe est devenu le Shakespeare du monde moderne, «de personne il a passé système, didée concrète, il a passé idée générale. On la invoqué comme la Philosophie même de lArt ! Il a eu la majesté de cette abstraction. [...] Goethe est [...] le chef dune école métaphysico-littéraire. Tout ce qui a de bonnes raisons pour vouloir que lart soit sans âme est goethiste de fondation. Théophile Gautier la été. Baudelaire aussi. Sainte-Beuve vieillissant le devint, car jeune, il écrivait Joseph Delorme et il était vivant (malsain, sentant le carabin et lhôpital, mais vivant !). Présentement sont goëthistes [...] M. Leconte de Lisle et M. Flaubert et tous ces petits soldats en plomb de la littérature qui se sont appelés eux-mêmes orgueilleusement "les impassibles"»... Barbey senflamme alors contre lexégèse autour de cette oeuvre qui «donne la sensation dêtre pères à tous les chapons littéraires qui couvent des oeufs quils nont pas pondus» et contre cet engouement immobilisé. Il rappelle comment Sainte-Beuve «haletant, frémissant, ses belles oreilles rouges, violettes de colère» porta autrefois plainte contre lui, «pour avoir manqué dans lauguste personne de Goëthe à la littérature française, au Gouvernement français !»... Barbey sattend encore à provoquer des cris, malgré la volonté républicaine de dégermanisation...{CR}Ce manuscrit, à lencre rouge et noire, et rehaussé par endroits dencres bleue, jaune, verte, présente de
Manuscrit autographe, signé «J. B. dA», Introduction [à Goethe et Diderot, 1880]; 5 pages et demie in-fol. montées sur onglets (qqs répar.), reliure souple maroquin rouge, titre doré sur le plat sup., étui (Alix). Beau manuscrit de la Préface pour Goethe et Diderot.{CR}Cest en 1880 que Barbey fit publier chez Lemerre les articles, parus dans Le Constitutionnel de 1873 à 1877, quil avait consacrés à Goethe et à Diderot. Barbey explique tout dabord la nécessité quil y avait à faire cette réunion; Goethe et Diderot étant «des esprits de nature identique», il établit une filiation directe entre eux avant de présenter plus particulièrement la personnalité de Goethe «qui remplit jusquaux bords le XIXe siècle & bouche tous les horizons de la pensée moderne de son insupportable ubiquité. Insupportable ! Si elle lest en effet, cette ubiquité nest plus divine»... Barbey se défend de tout ressentiment français et rappelle le rôle joué par la France dans le développement de la philosophie et de la littérature allemandes tout au long du XIXe siècle: «Oui, la France, la séductible France qui séprend de toute chose & de toute personne étrangère, a européanisé la gloire de Goethe. Sans elle, il serait encore dans le fossé de lAllemagne». Il rappelle lintérêt manifesté par Napoléon lui-même, cet esprit «suraigu et à la netteté transcendante», et se demande si Voltaire, «le seul homme du XVIIIe siècle chez qui limbécile philosophie navait pas enniaisé lesprit resté français, Voltaire qui méprisait Diderot», naurait pas également respecté Goethe. Après le succès de Werther, Goethe a «patiné pendant quatre vingts ans sur cette glace fragile de ladmiration des hommes, qui, pour lui, ne sest jamais rompue et sans accident et sans arrêt, il a glissé et est entré dun seul trait continu, dans sa tranquille immortalité ! [...] Goethe ne connut ni les revers ni les dangers. Assurément, il travailla trop pour quon puisse lappeler le Lazzarone de la célébrité, mais lopinion dont il fut imperturbablement lenfant gâté, mit ses rayons sur lui [...] et ne lui retira jamais. Au lieu décrire Faust, ce travail de Pénélope de toute sa vie, il aurait ciré des bottes que lopinion charmée aurait proclamé quil les cirait avec génie et se serait même mirée avec amour dans son cirage»... Selon Barbey, ce phénomène ne sexplique ni par la décadence littéraire de la France, ni par le besoin de nouveauté enfantine, et pourtant philosophes et écrivains ont suivi les traces de Hegel et du Romantisme et se sont fait allemands. Goethe est devenu le Shakespeare du monde moderne, «de personne il a passé système, didée concrète, il a passé idée générale. On la invoqué comme la Philosophie même de lArt ! Il a eu la majesté de cette abstraction. [...] Goethe est [...] le chef dune école métaphysico-littéraire. Tout ce qui a de bonnes raisons pour vouloir que lart soit sans âme est goethiste de fondation. Théophile Gautier la été. Baudelaire aussi. Sainte-Beuve vieillissant le devint, car jeune, il écrivait Joseph Delorme et il était vivant (malsain, sentant le carabin et lhôpital, mais vivant !). Présentement sont goëthistes [...] M. Leconte de Lisle et M. Flaubert et tous ces petits soldats en plomb de la littérature qui se sont appelés eux-mêmes orgueilleusement "les impassibles"»... Barbey senflamme alors contre lexégèse autour de cette oeuvre qui «donne la sensation dêtre pères à tous les chapons littéraires qui couvent des oeufs quils nont pas pondus» et contre cet engouement immobilisé. Il rappelle comment Sainte-Beuve «haletant, frémissant, ses belles oreilles rouges, violettes de colère» porta autrefois plainte contre lui, «pour avoir manqué dans lauguste personne de Goëthe à la littérature française, au Gouvernement français !»... Barbey sattend encore à provoquer des cris, malgré la volonté républicaine de dégermanisation...{CR}Ce manuscrit, à lencre rouge et noire, et rehaussé par endroits dencres bleue, jaune, verte, présente de
Try LotSearch and its premium features for 7 days - without any costs!
Be notified automatically about new items in upcoming auctions.
Create an alert