Beschreibung:

Les Aventures de Tintin reporter du petit "Vingtième" au pays des Soviets. Bruxelles, éditions du Petit Vingtième, sans date [1930]. In-4 de (1) f., 138 pp., la dernière non chiffrée: demi-toile bleu pâle, premier plat illustré en couleur (reliure de l' éditeur). Édition originale: exemplaire de première émission. L'édition originale a été tirée en dix tranches de mille exemplaires, chacune étant indiquée en tête: le présent exemplaire, avec la mention "premier mille", est du tout premier tirage. De ces mille premiers, 500 portent la signature de Tintin et Milou et 500 n'en portent pas. Ces derniers sont les plus rares. "La pièce maîtresse de toute collection sérieuse de bandes dessinées anciennes" (Embs et Mellot). Une oeuvre inaugurale de la bande dessinée moderne - et une charge contre le pouvoir bolchévique. L'album vit d'abord le jour dans le Petit Vingtième, supplément pour la jeunesse du Vingtième Siècle, journal d'opinion catholique dirigé par l'explosif abbé Norbert Wallez. Et où envoyer le nouveau reporter du journal, l'intrépide Tintin, sinon dans la patrie du communisme triomphant d'où parvenaient des informations contradictoires? Le héros imaginé par Hergé inaugurait ainsi une série de voyages et d'aventures qui bouleversa l'histoire de la bande dessinée. Mais cette aventure resta originale dans l'oeuvre du dessinateur et ne connut pas de lendemains; c'est le seul album qui ne fut pas repris par Hergé et mis en couleur, contrairement aux autres albums en noir et blanc, comme Tintin en Amérique ou Tintin au Congo, pourtant eux aussi politiquement marqués. Des débuts controversés. "À l'époque, l'album passa inaperçu. La réaction vint plus tard, lorsque Hergé commença à éveiller la curiosité du public, alors que son oeuvre était tirée de son contexte d'origine et faisait l'objet des premiers commentaires d'amateurs, parmi lesquels beaucoup provenaient d'un milieu très étranger à celui du dessinateur; ces nouveaux lecteurs découvraient avec indignation un monde parallèle au leur qui avait pu ne pas penser comme eux" (Embs et Mellot, p. 9). Hergé réclama longtemps à son éditeur Casterman la réimpression de son premier album: celui-ci finit par accepter, près de quarante ans plus tard, en 1969, mais il eut soin d'en limiter le tirage à 500 exemplaires hors commerce. Les pudeurs idéologiques ont la vie dure... Dans les Miroirs des limbes, qui restituent les entretiens qu'il eut avec le général de Gaulle à la fin de la vie de ce dernier, André Malraux fait dire au Général: "Au fond, vous savez, mon seul rival international, c'est Tintin! Nous sommes les petits qui ne se laissent pas avoir par les grands. On ne s'en aperçoit pas à cause de ma taille." Phrase peut-être apocryphe - Malraux a toujours eu l'imagination fertile -, mais qui dit suffisamment quel mythe a incarné et incarne toujours le reporter du Petit Vingtième, depuis ses premiers pas chez les Soviets il y a bientôt un siècle. (Malraux, OEuvres, Pléiade, III, 1996, p. 591.- Sur ce sujet, voir aussi l'article très drôle de Pierre Assouline, Toute la lumière sur l'axe Tintin-De Gaulle, publié dans son blog.) Très rare exemplaire en superbe état de conservation. Livre d'enfant furieusement manipulé, ce premier album de Tintin est d'ordinaire pauvrement conservé, maculé et déchiré. Celui-ci ne présente que de minimes défauts d'usage, ce qui est exceptionnel, et il est vierge de toute restauration. Étui en demi-maroquin de Devauchelle. (Embs et Mellot, textes de présentation de la réédition de Tintin au pays des Soviets, in Archives Tintin, 2012: "Si cet album peut être tenu aujourd'hui pour une charge politique, il était surtout destiné à des enfants pour lesquels, en 1929, les bolcheviks étaient des bêtes féroces.")