Beschreibung:

Les lectures interdites du patron de la NRF . Correspondance adressée au libraire Robert Chatté. Paris, vers 1940-1957. Environ 160 lettres autographes signées, réunies dans une ingénieuse boîte de Pierre Mercier. Extraordinaire correspondance, en majeure partie inédite : 160 lettres adressées par Jean Paulhan à Robert Chatté, de 1940 à 1957. L'une des grandes figures de la librairie clandestine, Robert Chatté s'était spécialisé dans les érotiques, à une époque où la censure et la police des moeurs ne chômaient pas. Jean- Jacques Pauvert l'évoque dans ses souvenirs : « Début 54 (...) j'avais fait la connaissance de Robert Chatté, le mystérieux libraire de Montmartre. Robert Chatté, grand, mince, très bien élevé, avec des oreilles décollées étonnantes, exerçait en appartement, prenant un grand luxe de précautions. Il n'ouvrait sa porte que si l'on usait d'un certain signal. Spécialiste de l'érotique, il avait fait imprimer aussi l'édition originale de Madame Edwarda de Bataille en 1941 » (La Traversée du livre, p. 206). Au fil des 160 lettres, le ton se fait plus amical et, du voussoiement de rigueur des premiers temps, Paulhan passe au tutoiement et ses commandes sont, parfois, plus intimes que celles que l'on adresse d'ordinaire à son libraire : il lui demande ainsi s'il pourrait lui procurer « un chat à neuf queues » et, ailleurs : « Connais-tu l'adresse d'un bon tatoueur? » La collection des lettres de Paulhan révèle un lecteur insatiable de livres interdits, au premier rang desquels ceux de Sade, bien entendu. Il a tout lu, Justine, Aline et Valcour, Les 120 journées, etc. « Hugnet me demande 9'000 d'une Justine en édition originale. N'est-ce pas un peu cher ? » Il n'a sans doute pas donné suite car il propose ailleurs d'échanger Justine « contre des livres de Péguy, Gide et Larbaud, enrichis d'autographes ». Il souhaite lui rendre l'Anti-Justine (« Comment Restif a-t-il pu écrire une telle connerie ? »), cherche des ouvrages de La Mettrie, « un bon jeu de tarot », « de petits bouquins de flagellation (tout à fait vulgaires, dans le genre des Carrington) », etc. Paulhan donne aussi des nouvelles, de l'auteur de la Vie d'une prostituée, qui est poursuivie et pour qui il souhaite témoigner, de Dominique Aury (« Me permets-tu d'inviter Dominique Aury (en garçon) ? »), de Marcel Jouhandeau (dont il commande Le Voyage secret), d'Alibert, de Braque... Il juge durement les érotiques chinois : « c'est curieux comme ils sont fades - comme ils n'ont l'air ni voluptueux, ni passionnés. Ils ont l'air de faire ça en dormant. Les Japonais, c'est au contraire ». Plusieurs lettres ne sont pas dénuées d'humour : avec une commande de livres de flagellation, Paulhan demande à Chatté s'il sait où trouver « des verges de bruyère »... Et à propos de l'auteur de la Vie d'une prostituée : « Ah, c'est vrai pour Suzannah ? (frigide). Mais ce doit être une simple affaire de méthode ». A propos de Madame Edwarda, édité clandestinement par Chatté, Paulhan lui indique des pistes : « Georges Blin (...) et René Tavernier (...) te trouveraient des acheteurs ». Quelques lettres ont été publiées, mais l'essentiel est inédit. Les lettres dans lesquelles il est question des romans d'Alibert ont été à l'origine de la traque des manuscrits par Emmanuel Pierrat, notamment celle accompagnée d'un mot de Joë Bousquet renseignant sur les livres de son compère de Carcassonne. (On y trouve ainsi la liste des trois romans érotiques d'Alibert).