Marcel PROUST (1871-1922). L.A.S., « 44 rue Hamelin Jeudi » [13 novembre 1919], à J.H. Rosny aîné ; 6 pages et demie in-8 (décharge d’encre sur la page 8 vierge). Intéressante lettre sur les coulisses de son prix Goncourt, qui montre que Proust est parfaitement au courant de ses chances d’obtenir le prix, qui sera attribué le 10 décembre 1919 pour À l’ombre des jeunes filles en fleurs. Proust répond à une lettre confidentielle de Rosny aîné, qui, le 3 novembre, lui avait révélé sous le sceau du secret, qu’il aurait au moins six voix, dont celle du président, Gustave Geffroy. Il s’excuse d’abord de son retard à le remercier, dû à « une telle recrudescence de mes crises d’asthme que je passe des 48 heures haletant comme un demi noyé qu’on sort de l’eau, sans pouvoir dire une parole ni faire un mouvement. Le prix Goncourt est absent de l’esprit à ce moment-là »… Il remercie Rosny de sa gentillesse et de tout ce qu’il fait pour lui, et voudrait montrer à tous sa reconnaissance… Il promet de ne pas mentionner son aide : « le secret que vous me demandez, et que je garderai bien entendu scrupuleusement, semble au premier abord se concilier difficilement avec une démarche de moi auprès de l’académicien en question [Geffroy], pour qu’il me conserve jusqu’à la fin son appui ». Il propose cependant d’écrire à Geffroy pour « le remercier à nouveau » de son soutien, « et lui dire qu’il a transpiré de la réunion de l’Académie que j’aurais le prix, s’il restait inébranlable, et lui demander de l’être. Je crois que de cette façon il lui sera impossible de deviner que c’est vous plutôt que tel autre qui m’avez dit cela. J’ajoute que j’écrirai cela un peu à l’aveugle, car n’ayant vu personne, je ne soupçonne ni ce qui peut ébranler sa fidélité, ni qui l’on est porté à me préférer. Je ne sais pas un seul nom de candidats, ni ceux des académiciens hostiles ou prêts à flancher, ni la date même du scrutin. Tout cela, si je le savais, et surtout l’état d’âme de l’académicien sus mentionné, m’éclairerait évidemment »… Il félicite Rosny pour ses ravissantes phrases, et « sur Flaubert que vous atteignez en deux mots jusqu’au cœur, en une ligne qui rend inutile mon pastiche ». Il regrette ce temps perdu dans sa jeunesse où il ne connaissait rien de l’œuvre de Rosny et où sa santé était meilleure : « j’aurais eu tant d’occasions de vous rencontrer et de m’instruire auprès de vous. J’espère toujours que j’irai mieux, mon espoir est démenti le lendemain mais non déraciné. Peut-être un de ces jours si rares où je ne suis pas “en crise” pourrai-je arranger que nous nous rencontrions. Je sens très bien qu’au 1er moment je n’oserai pas vous parler de vous et garderai un silence “mondain”. Mais vous aurez trop de bienveillance et d’art pour ne pas rompre cette glace »… Correspondance, t. XVIII, p. 466 [datée 10 novembre par suite d’une mauvaise lecture par Ph. Kolb de « Jeudi » en « Lundi »].
Marcel PROUST (1871-1922). L.A.S., « 44 rue Hamelin Jeudi » [13 novembre 1919], à J.H. Rosny aîné ; 6 pages et demie in-8 (décharge d’encre sur la page 8 vierge). Intéressante lettre sur les coulisses de son prix Goncourt, qui montre que Proust est parfaitement au courant de ses chances d’obtenir le prix, qui sera attribué le 10 décembre 1919 pour À l’ombre des jeunes filles en fleurs. Proust répond à une lettre confidentielle de Rosny aîné, qui, le 3 novembre, lui avait révélé sous le sceau du secret, qu’il aurait au moins six voix, dont celle du président, Gustave Geffroy. Il s’excuse d’abord de son retard à le remercier, dû à « une telle recrudescence de mes crises d’asthme que je passe des 48 heures haletant comme un demi noyé qu’on sort de l’eau, sans pouvoir dire une parole ni faire un mouvement. Le prix Goncourt est absent de l’esprit à ce moment-là »… Il remercie Rosny de sa gentillesse et de tout ce qu’il fait pour lui, et voudrait montrer à tous sa reconnaissance… Il promet de ne pas mentionner son aide : « le secret que vous me demandez, et que je garderai bien entendu scrupuleusement, semble au premier abord se concilier difficilement avec une démarche de moi auprès de l’académicien en question [Geffroy], pour qu’il me conserve jusqu’à la fin son appui ». Il propose cependant d’écrire à Geffroy pour « le remercier à nouveau » de son soutien, « et lui dire qu’il a transpiré de la réunion de l’Académie que j’aurais le prix, s’il restait inébranlable, et lui demander de l’être. Je crois que de cette façon il lui sera impossible de deviner que c’est vous plutôt que tel autre qui m’avez dit cela. J’ajoute que j’écrirai cela un peu à l’aveugle, car n’ayant vu personne, je ne soupçonne ni ce qui peut ébranler sa fidélité, ni qui l’on est porté à me préférer. Je ne sais pas un seul nom de candidats, ni ceux des académiciens hostiles ou prêts à flancher, ni la date même du scrutin. Tout cela, si je le savais, et surtout l’état d’âme de l’académicien sus mentionné, m’éclairerait évidemment »… Il félicite Rosny pour ses ravissantes phrases, et « sur Flaubert que vous atteignez en deux mots jusqu’au cœur, en une ligne qui rend inutile mon pastiche ». Il regrette ce temps perdu dans sa jeunesse où il ne connaissait rien de l’œuvre de Rosny et où sa santé était meilleure : « j’aurais eu tant d’occasions de vous rencontrer et de m’instruire auprès de vous. J’espère toujours que j’irai mieux, mon espoir est démenti le lendemain mais non déraciné. Peut-être un de ces jours si rares où je ne suis pas “en crise” pourrai-je arranger que nous nous rencontrions. Je sens très bien qu’au 1er moment je n’oserai pas vous parler de vous et garderai un silence “mondain”. Mais vous aurez trop de bienveillance et d’art pour ne pas rompre cette glace »… Correspondance, t. XVIII, p. 466 [datée 10 novembre par suite d’une mauvaise lecture par Ph. Kolb de « Jeudi » en « Lundi »].
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