Beschreibung:

MARGUERITTE (Paul). 2 lettres autographes signées à Élie Faure. 1918. Nice, 1er avril 1918. « Je viens d'achever la lecture de La Sainte Face [souvenirs et réflexions d'Élie Faure sur son expérience de la guerre comme médecin militaire, paru en 1917]. J'y ai pris le plus neuf et le plus enchanté & le plus ardent intérêt. Quelle belle planche d'auto-dissection cérébrale ; quelle richesse d'idées, de sentiments, de sensations ; et quel don visuel, et quelle force de style !... Ce n'est pas que certains points de vue ne me heurtent, mais on lutte mal contre cette explosion de sincérité courageuse. Car La Sainte Face est une œuvre courageuse. Dure & orgueilleuse, âpre souvent ; toujours empoignante. Il est du reste bien des points sur lesquels je pense comme vous : il est trop certain que nous payons nos fautes ; le manque d'enfants, l'alcoolisme, un déplorable système électoral & parlementaire, la vénalité & l'ignorance de la presse, l'inertie de nos capitalistes placeurs d'argent à l'étranger, à l'étranger qu'ils enrichissent & fortifient aux dépens de leur pays ; et notre veulerie industrielle, administrative, tant d'autres plaies !... La guerre, qui a fait jaillir de l'individu les suprêmes énergies, galvanisera-t-elle après la paix notre patrie ? Je l'espère, parce que ce serait à désespérer ; je n'ose l'affirmer, quand je vois le hideux spectacle d'un arrière-mercanti, & de trop de socialistes "bêlants", et de défaitistes mous. C'est sans doute parce que je ne suis, par mon âge & ma mauvaise santé, pas un combattant, que je vous suis mal dans votre altruisme vis-à-vis de l'ennemi. Je sais que partager les mêmes risques & la même affreuse misère rapprochent, surtout après le combat, les nôtres des prisonniers allemands, ou parfois même, de tranchées à tranchées, ou en des rencontres de patrouilles ou corvées, ont facilité des trêves éphémères. Mais d'autres part, bien des lettres que j'ai reçues, de soldats & d'officiers, expriment la haine froide & résolue contre l'Allemand qui a préparé, voulu & déclaré la guerre. Votre point de vue, d'ailleurs élevé, tient à la conception métaphysique que vous vous faites de ce grand drame cosmique qu'est la guerre. D'un chrétien, ce point de vue me semblerait tout naturel. Mais êtes-vous chrétien ? (Question toute subjective, et sans aucune intention de curiosité objective...). J'ai mis une vingtaine de signets de papier à votre livre, & les y laisserai pour que mon fils aîné, encore enfant, les trouve plus tard... »– « Clair-Bois » à Hossegor (Landes), [16] juillet 1918. « Merci de ce que vous me dites de Jouir [ouvrage de Paul Margueritte publié en 1918], et qui me fait grand plaisir. Sans doute un livre aussi touffu ne peut être "centré", comme le voulait un prétentieux critique, déclarant Jouir œuvre morte, alors que, ce me semble, son seul mérite est d'être vivant. Nos habitudes, depuis, nous portent vers des œuvres plus ordonnées ; mais le chaos de la vie l'est-il, ordonné ? Oui, mais de façon souterraine & obscure, & non comme un jardin taillé à la française. Ce qui donne tant de prix à La Sainte Face, c'est précisément cette complexité si riche de sentiments & d'idées. Il faut des livres de tous genres, & foin des méthodes d'école ! Oui, je pense bien comme vous [concernant] l'insuffisance des campagnes de presse & des lois à modifier les masses. Elles n'agissent que de seconde main & après coup. J'ai foi, comme vous, dans les énergies secrètes & profondes d'où nous viendra une rénovation indispensable, si, après les tueries, nous voulons vivre, c'est-à-dire croître en valeur... » Joint, un fragment autographe d'Élie Faure, passage d'un des ses livres sur la Grande Guerre, probablement La Sainte Face, parue en 1917 (inscrit au verso d'une lettre reçue d'un médecin militaire en 1916).