Beschreibung:

Lucien REBATET 1903-1972 [Lettre autographe signée. - Manuscrit autographe signé d'une variante des Deux Étendards] Montmorency, 25 janvier [19]54.- [Vers 1951]. Ens. 4 et 30 p. in-4 (265/271 x 210 mm). PRECIEUX ENSEMBLE CONSTITUE D'UNE LONGUE LETTRE AUTOGRAPHE DE LUCIEN REBATET, D'UN REMARQUABLE INTERET LITTERAIRE, ET DU MANUSCRIT AUTOGRAPHE D'UNE VARIANTE INEDITE DES DEUX ÉTENDARDS INTITULEE "VARIATION 6". La lettre est adressée à Louis Barellon, un ami de l'écrivain, alors détenu à la maison centrale d'Eysses (Lot-et-Garonne). Elle est riche de renseignements sur les activités de Lucien Rebatet quelques mois après sa libération et sur ses fréquentations dans le monde littéraire, notamment Bernard de Fallois (" l'ami le plus sûr qui se soit révélé pour moi, parmi les nouveaux venus "), Roger Peyrefitte (" (Mais hein ! tout de même ! son Vichy, à côté du mien ) "), Jean Paulhan, Marcel Jouhandeau, Marcel Aymé (" (il devient un peu commerçant de théâtre) "), etc. Mais elle dresse surtout un PASSIONNANT PORTRAIT D'EMIL CIORAN?: " J'ai enfin rencontré Cioran, que je cherchais à voir depuis plus d'une année. […] Il a quarante ans. (Je le croyais un peu plus jeune). Il est un peu plus grand que moi - pas de beaucoup - guère plus joli, dans le genre un peu crochu, légèrement diabolique, avec des cheveux brun-roux, tout droits, des yeux plutôt verts. […] C'est un pessimiste gai, l'espèce d'homme la plus agréable, tout compte fait. Il demande qu'on le lise comme il écrit, avec une pointe d'humour. Mais tout ce qu'il écrit, il le pense profondément. Il sait tout et il est revenu de tout, sauf d'une admiration purement esthétique, semble-t-il, pour quelques mystiques. […] Il a la quasi-certitude d'assister aux derniers jours de l'Europe, et je ne suis pas loin de ce sentiment. Il a besoin de grands loisirs. Il pourrait sans peine devenir lecteur chez Gallimard, mais ça l'épouvante : " Om amène les manuscrits par camions ! Il faut en lire des mètres cubes ! J'en crèverais au bout de 8 jours ! ". Il vit comme un étudiant pauvre au Quartier Latin. Il faut l'entendre remettre à leur place minuscule le Camus et le Malraux, sans la moindre morgue, mais simplement parce que c'est la vérité. Malgré son mépris du roman contemporain, il m'a dit du bien des Étendards. Les a-t-il lus ? C'est une autre affaire. On verra ça bientôt ". Visa de la censure de la prison d'Eysses. Le manuscrit, intitulé " Variation 6 ", est dédicacé au même Louis Barellon : " À mon ami Louis, sixième lecteur, ce petit texte qui l'a amusé. Pour marquer la date du 11 mai 1951, comme promis ". Ces trente pages offrent une variante assez libre des relations tumultueuses entre les quatre jeunes protagonistes de Deux Étendards. Elles s'ouvrent sur une voluptueuse scène d'amour entre Michel et Yvonne et s'achèvent, quelques mois après le mariage de ces derniers, par une soirée de débauche : Vers minuit ce soir-là, avenue de Médicis, le trio, assez dévêtu, débouchait un second magnum d'extra-dry. Yvonne, juchée sur le piano, battait la mesure avec ses jambes nues. Michel tenait sur ses genoux Anne-Marie-à demi renversée, il caressait régulièrement un de ses seins jailli de son déshabillé blanc. Il entonnait d'une voix de contrebasse : Dans la chambre Dans la chambre Dans la chambre de notre abbé… " Et nous moines, tripaillons de moines ", piaillaient en répons les voix suraigües des deux petites… Nombreuses corrections et ratures avec ajouts au crayon noir et bleu. Les 30 pages sont écrites au verso de formulaires de l'administration pénitentiaire restés vierges. L'œuvre et la personnalité de Lucien Rebatet, marquée de manière indélébile par son attitude coupable durant l'occupation allemande - sa condamnation à mort à la fin de la guerre fut commuée en peine de travaux forcés à perpétuité par Vincent Auriol mais il fut libéré cinq ans plus tard - sont aujourd'hui redécouvertes avec une objectivité méritoire. Quelques déchirures sans manque de texte aux plis de la lettre et dans