Beschreibung:

GIDE (André). Lettre autographe signée au poète Francis Jammes. S.l., décembre 1901. Joint, une enveloppe du même au même datée 1904. 2 pp. petit in-4. « Ne me reproche pas, cher vieux, de n'avoir pas eu poétique ma colère de l'autre jour. Car, de la poésie, tu dois garder le monopole , permets-moi celui de la prose. L'on ne peut plus être poète sans t'imiter, et je ne pouvais pas choisir, pour t'imiter, le moment que je te disais des injures. N'imite pas mon jansénisme en me souhaitant différent. D'ailleurs je ne sais plus du tout comment je suis. Je viens de jeter (id est : d'achever) un livre que j'habitais depuis trois ans. Ces derniers temps, il me peinait de toutes parts. À présent qu'enfin je suis libre, je me retrouve assez changé. Schwob est en Océanie [l'écrivain Marcel Schwob fit un long voyage sur les traces de Stevenson, d'octobre 1901 à mars 1902]. T'écrit-il ? Je voudrais avoir quelques détails , mais impossible de rencontrer Moreno [Marguerite Moreno, épouse de Marcel Schwob depuis 1900]. Que penses-tu de L'Occident [revue qu'Adrien Mithouard venait de fonder] ? Malgré ce qu'en disait [Maurice] Denis, ce n'est guère fait pour me plaire – et je n'en suis pas fâché. J'aime hurler avec les loups, et ce blanc troupeau de moutons me donne surtout de l'appétit. C'est ce que j'écris à Eugène [Rouart], dont le nationalisme pâlit. Au revoir. Je suis hideusement grippé, tousse, mouche, crache et suis ton André Gide. Mais D. va bien , rassure-toi [leur ami Marcel Drouin, époux de la cousine et belle-soeur de Gide, Jeanne Rondeaux, et qui serait un des cofondateurs de la Nrf]. » Gide et Jammes , une longue amiti é faite d'admiration et d'incomp réhension . André Gide rencontra André Jammes par l'intermédiaire d'Eugène Rouart. Jammes s'enthousiasma pour Le Voyage d'Urien de Gide tandis que ce dernier vibrait à la lecture de ses Vers et s'activait pour les faire connaître dans les cercles littéraires parisiens – il fit même publier à ses frais une comédie de Jammes. Ils se virent ensuite en Algérie (1896), puis chez Gide en Normandie (1898) et à Paris (1900). Leur amitié n'alla pas sans ombre : Jammes manifesta une certaine incompréhension pour des oeuvres de Gide comme Ménalque (1896) et Les Nourritures terrestres (1897), et, quand Gide émit des critiques d'ordre littéraire sur son texte Existences (1902, dans Le Triomphe de la vie), Jammes se cabra et fit de virulentes remarques d'ordre moral sur L'Immoraliste. Quand Jammes fit retour au catholicisme sous l'influence de Paul Claudel en 1904, cette question éloigna progressivement les deux amis qui continuèrent pourtant à se fréquenter et à marquer une admiration réciproque. La rupture intervint peu après sur un désaccord complet au sujet de l'attitude