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Auction archive: Lot number 240

[CAMUS, Albert (1913-1960)] SARTRE, Jean-Paul (1905-1980).

Livres rares et Manuscrits
9 Nov 2022 - 21 Nov 2022
Estimate
€10,000 - €15,000
ca. US$10,045 - US$15,067
Price realised:
n. a.
Auction archive: Lot number 240

[CAMUS, Albert (1913-1960)] SARTRE, Jean-Paul (1905-1980).

Livres rares et Manuscrits
9 Nov 2022 - 21 Nov 2022
Estimate
€10,000 - €15,000
ca. US$10,045 - US$15,067
Price realised:
n. a.
Beschreibung:

Details
[CAMUS, Albert (1913-1960)] Jean-Paul-SARTRE (1905-1980).
Manuscrit autographe pour la nécrologie d'Albert Camus, [5-6 janvier 1960]
7 pp. autographes sur 7 ff. in-4 quadrillés (270 x 210 mm), encres noire et bleue, pagination continue. Corrections autographes, nombreux passages barrés et soulignés (les passages soulignés correspondent aux passages en italique dans la version publiée).
"Il y a six mois, hier encore, on se demandait : « Que va-t-il faire ? »"
Exceptionnel manuscrit de Jean-Paul-Sartre pour son article paru dans France Observateur trois jours après le tragique accident d'Albert Camus. Décédé le 4 janvier 1960 au retour de Lourmarin à bord de la voiture de Michel Gallimard, Albert Camus laisse derrière lui le manuscrit inachevé du roman autobiographique Le Premier homme, retrouvé dans sa mallette sur le lieu de l'accident. Plus qu'un livre, c'est toute une oeuvre littéraire et philosophique qui reste inachevée, trop tôt interrompue par cette mort "imprévisible et venue d'ailleurs" et qu'il faut pourtant "apprendre à voir (...) comme une oeuvre totale" (p. 7).
"Rarement, les caractères d’une oeuvre et les conditions du moment historique ont exigé si clairement qu’un écrivain vive."
Dans cet émouvant tombeau paru le 7 janvier 1960 puis repris dans Situations IV, Sartre rend un ultime hommage à celui qui refusait que l'on associe sa pensée au mouvement existentialiste, révélant dans ces lignes toute l'ambiguïté de ses sentiments à l'égard de ce "cartésien de l'absurde" (p. 3). Depuis leur rencontre lors de la générale des Mouches au Théâtre de la Cité en 1943, jusqu'à leur rupture définitive en 1952, les deux intellectuels aux trajectoires et aux ambitions croisées se sont appréciés, admirés et critiqués, évoluant toujours en parallèle malgré des oppositions idéologiques fondamentales. À la fois proches et dissemblables, les deux hommes se sollicitent mutuellement pour divers projets. Peu après leur rencontre, Sartre propose à Camus de mettre en scène Huis clos et d'y jouer le rôle principal, tandis que Camus devient rédacteur en chef du journal Combat en 1943 et y publie des reportages de Sartre sur la libération de Paris puis sur l'Amérique ; c'est encore Camus que Sartre sollicite pour faire partie du comité de rédaction de la revue Les temps modernes dont il prend la direction dès 1945. Après la guerre, les philosophes continuent d'entretenir une forme de dialogue à distance, développant chacun leur propre réflexion autour de la condition humaine et se répondant via oeuvres interposées. Liés jusque dans les récompenses, ils recevront chacun le prix Nobel de littérature, que Sartre déclinera, arguant que l'écrivain doit "refuser de se laisser transformer en institution" (Sartre, Le Monde, 24 octobre 1964).
"L’accident qui a tué Camus, je l’appelle scandale parce qu’il fait paraître au coeur du monde humain l’absurdité de nos exigences les plus profondes."
Dès les premières lignes de l'article, Sartre évacue le sujet de leur dispute, minimisant le conflit à "une brouille" et estimant qu' "une brouille, ce n'est rien (...), tout juste une autre manière de vivre ensemble sans se perdre de vue dans le petit monde étroit qui nous est donné." (p. 1) La rupture, précipitée par l'article assassin que Francis Jeanson publiait en mai 1952 dans la revue de Sartre Les Temps modernes suite à la sortie de L'Homme révolté, se cristallise autour de la question des libertés en URSS : Camus, qui vit pour un idéal de justice et n'admet aucune forme de violence, associe le stalinisme au fascisme, tandis que Sartre lui cherche des circonstances atténuantes et revendique, à la suite de Merleau-Ponty, une certaine forme de violence légitime au nom du marxisme. Surmontant ces désaccords sans les oublier, Sartre souligne chez Camus un "humanisme têtu, étroit et pur, austère et sensuel" qui fait de lui "l'héritier actuel de cette longue lignée de moralistes dont les œuvres constituent peut-être ce qu'il y a de plus original dans les lettres françaises" (pp. 1-2). Le ton de l'article, dévoilant un Sartre démuni face au décès d'un vieil ami, et la facture du manuscrit, écrit d'une traite, laissent penser que le philosophe reste, huit ans après, largement affecté par la perte de cette amitié : "Notre amitié n’était pas facile mais je la regretterai." ("Réponse à Albert Camus", Les Temps modernes, août 1952). Dans un passage barré absent de la version publiée, il va jusqu'à évoquer une "camaraderie dans l'éloignement" (p. 3). Se sentant à la fois coupable et victime de la perte de cette amitié, Sartre gardera une grande rancoeur contre Francis Jeanson. Regrettant le silence "trop prudent et parfois douloureux" des dernières années, il confesse penser souvent à Camus : "On vivait avec ou contre sa pensée, telle que nous la révélaient ses livres (...) mais toujours à travers elle." (p. 1) Sartre conclut en affirmant le succès de l'entreprise camusienne, malgré "l'absurdite insupportable" de sa mort survenue trop tôt : "Dans la mesure même où l’humanisme de Camus contient une attitude humaine envers la mort qui devait le surprendre, dans la mesure où sa recherche orgueilleuse et pure du bonheur impliquait et réclamait la nécessité inhumaine de mourir, nous reconnaîtrons dans cette oeuvre et dans la vie qui n’en est pas séparable la tentative pure et victorieuse d’un homme pour reconquérir chaque instant de son existence sur sa mort future." (p. 7).
Sartre, Situations IV, édition revue de 2015, "Réponse à Albert Camus", pp. 127-131 ; Sartre, Situations VI, "Albert Camus", édition revue de 2020, pp. 61-64, "Le refus du Nobel", pp. 399-403 ; Album Jean-Paul-Sartre, pp. 154-157, 218 ; J.-F. Mattéi, "Camus et Sartre : de l'assentiment au ressentiment", Cités, n°22, pp. 67-71 ; S. Teroni, "Camus / Sartre", Revue italienne d’études françaises, 2013.
Provenance : Hector de Galard (1921-1990), journaliste et rédacteur en chef de L'Observateur dès 1950 (qui deviendra France-Observateur puis Le Nouvel Observateur, actuellement L'Obs)
Exceptional autograph manuscript by Jean-Paul-Sartre for Albert Camus' obituary, published in France-Observateur three days after his tragic car accident
Special notice
Please note this lot is the property of a consumer. See H1 of the Conditions of Sale.

Auction archive: Lot number 240
Auction:
Datum:
9 Nov 2022 - 21 Nov 2022
Auction house:
Christie's
King Street, St. James's 8
London, SW1Y 6QT
United Kingdom
+44 (0)20 7839 9060
+44 (0)20 73892869
Beschreibung:

Details
[CAMUS, Albert (1913-1960)] Jean-Paul-SARTRE (1905-1980).
Manuscrit autographe pour la nécrologie d'Albert Camus, [5-6 janvier 1960]
7 pp. autographes sur 7 ff. in-4 quadrillés (270 x 210 mm), encres noire et bleue, pagination continue. Corrections autographes, nombreux passages barrés et soulignés (les passages soulignés correspondent aux passages en italique dans la version publiée).
"Il y a six mois, hier encore, on se demandait : « Que va-t-il faire ? »"
Exceptionnel manuscrit de Jean-Paul-Sartre pour son article paru dans France Observateur trois jours après le tragique accident d'Albert Camus. Décédé le 4 janvier 1960 au retour de Lourmarin à bord de la voiture de Michel Gallimard, Albert Camus laisse derrière lui le manuscrit inachevé du roman autobiographique Le Premier homme, retrouvé dans sa mallette sur le lieu de l'accident. Plus qu'un livre, c'est toute une oeuvre littéraire et philosophique qui reste inachevée, trop tôt interrompue par cette mort "imprévisible et venue d'ailleurs" et qu'il faut pourtant "apprendre à voir (...) comme une oeuvre totale" (p. 7).
"Rarement, les caractères d’une oeuvre et les conditions du moment historique ont exigé si clairement qu’un écrivain vive."
Dans cet émouvant tombeau paru le 7 janvier 1960 puis repris dans Situations IV, Sartre rend un ultime hommage à celui qui refusait que l'on associe sa pensée au mouvement existentialiste, révélant dans ces lignes toute l'ambiguïté de ses sentiments à l'égard de ce "cartésien de l'absurde" (p. 3). Depuis leur rencontre lors de la générale des Mouches au Théâtre de la Cité en 1943, jusqu'à leur rupture définitive en 1952, les deux intellectuels aux trajectoires et aux ambitions croisées se sont appréciés, admirés et critiqués, évoluant toujours en parallèle malgré des oppositions idéologiques fondamentales. À la fois proches et dissemblables, les deux hommes se sollicitent mutuellement pour divers projets. Peu après leur rencontre, Sartre propose à Camus de mettre en scène Huis clos et d'y jouer le rôle principal, tandis que Camus devient rédacteur en chef du journal Combat en 1943 et y publie des reportages de Sartre sur la libération de Paris puis sur l'Amérique ; c'est encore Camus que Sartre sollicite pour faire partie du comité de rédaction de la revue Les temps modernes dont il prend la direction dès 1945. Après la guerre, les philosophes continuent d'entretenir une forme de dialogue à distance, développant chacun leur propre réflexion autour de la condition humaine et se répondant via oeuvres interposées. Liés jusque dans les récompenses, ils recevront chacun le prix Nobel de littérature, que Sartre déclinera, arguant que l'écrivain doit "refuser de se laisser transformer en institution" (Sartre, Le Monde, 24 octobre 1964).
"L’accident qui a tué Camus, je l’appelle scandale parce qu’il fait paraître au coeur du monde humain l’absurdité de nos exigences les plus profondes."
Dès les premières lignes de l'article, Sartre évacue le sujet de leur dispute, minimisant le conflit à "une brouille" et estimant qu' "une brouille, ce n'est rien (...), tout juste une autre manière de vivre ensemble sans se perdre de vue dans le petit monde étroit qui nous est donné." (p. 1) La rupture, précipitée par l'article assassin que Francis Jeanson publiait en mai 1952 dans la revue de Sartre Les Temps modernes suite à la sortie de L'Homme révolté, se cristallise autour de la question des libertés en URSS : Camus, qui vit pour un idéal de justice et n'admet aucune forme de violence, associe le stalinisme au fascisme, tandis que Sartre lui cherche des circonstances atténuantes et revendique, à la suite de Merleau-Ponty, une certaine forme de violence légitime au nom du marxisme. Surmontant ces désaccords sans les oublier, Sartre souligne chez Camus un "humanisme têtu, étroit et pur, austère et sensuel" qui fait de lui "l'héritier actuel de cette longue lignée de moralistes dont les œuvres constituent peut-être ce qu'il y a de plus original dans les lettres françaises" (pp. 1-2). Le ton de l'article, dévoilant un Sartre démuni face au décès d'un vieil ami, et la facture du manuscrit, écrit d'une traite, laissent penser que le philosophe reste, huit ans après, largement affecté par la perte de cette amitié : "Notre amitié n’était pas facile mais je la regretterai." ("Réponse à Albert Camus", Les Temps modernes, août 1952). Dans un passage barré absent de la version publiée, il va jusqu'à évoquer une "camaraderie dans l'éloignement" (p. 3). Se sentant à la fois coupable et victime de la perte de cette amitié, Sartre gardera une grande rancoeur contre Francis Jeanson. Regrettant le silence "trop prudent et parfois douloureux" des dernières années, il confesse penser souvent à Camus : "On vivait avec ou contre sa pensée, telle que nous la révélaient ses livres (...) mais toujours à travers elle." (p. 1) Sartre conclut en affirmant le succès de l'entreprise camusienne, malgré "l'absurdite insupportable" de sa mort survenue trop tôt : "Dans la mesure même où l’humanisme de Camus contient une attitude humaine envers la mort qui devait le surprendre, dans la mesure où sa recherche orgueilleuse et pure du bonheur impliquait et réclamait la nécessité inhumaine de mourir, nous reconnaîtrons dans cette oeuvre et dans la vie qui n’en est pas séparable la tentative pure et victorieuse d’un homme pour reconquérir chaque instant de son existence sur sa mort future." (p. 7).
Sartre, Situations IV, édition revue de 2015, "Réponse à Albert Camus", pp. 127-131 ; Sartre, Situations VI, "Albert Camus", édition revue de 2020, pp. 61-64, "Le refus du Nobel", pp. 399-403 ; Album Jean-Paul-Sartre, pp. 154-157, 218 ; J.-F. Mattéi, "Camus et Sartre : de l'assentiment au ressentiment", Cités, n°22, pp. 67-71 ; S. Teroni, "Camus / Sartre", Revue italienne d’études françaises, 2013.
Provenance : Hector de Galard (1921-1990), journaliste et rédacteur en chef de L'Observateur dès 1950 (qui deviendra France-Observateur puis Le Nouvel Observateur, actuellement L'Obs)
Exceptional autograph manuscript by Jean-Paul-Sartre for Albert Camus' obituary, published in France-Observateur three days after his tragic car accident
Special notice
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Auction archive: Lot number 240
Auction:
Datum:
9 Nov 2022 - 21 Nov 2022
Auction house:
Christie's
King Street, St. James's 8
London, SW1Y 6QT
United Kingdom
+44 (0)20 7839 9060
+44 (0)20 73892869
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